Dans un article de 1999 publié dans les AHRF, Florence Gauthier et moi-même avons également présenté une analyse sur la pensée kantienne sur la paix, le droit des gens et la cosmopolitique. Je me contenterai ici d’en résumer les principaux éléments pour introduire à une présentation du débat qui suit la publication du Projet de paix perpétuelle. J’essaierai de montrer à quel point ce texte et la réflexion qu’il induit en Allemagne, en Italie et en France sont partie prenante d’un débat éminemment pratique sur la reconstruction de l’ordre européen bouleversé par la Révolution française et ses conséquences sur les équilibres géopolitiques continentaux.

Apogée du débat sur la Paix perpétuelle

La réflexion sur la paix perpétuelle est l’un des éléments les plus caractéristiques de la pensée politique de l’époque moderne. J’ai montré ailleurs que la paix perpétuelle en tant que perspective politique connaissait son apogée au XVIIIe siècle dans le moment philosophique délimité par le Projet pour rendre la paix perpétuelle de l’abbé de Saint-Pierre en 1713 et le Vers la paix perpétuelle de Kant en 17952, mais ce thème ne disparaît évidemment pas en 1795. Comment évolue-t-il pendant la période directoriale ? Comment le projet kantien est-il reçu ?

La paix est un sujet de réflexion de longue date pour Kant. En 1784 déjà, il considère l’évolution du genre humain comme un processus allant vers une forme cosmopolitique de gouvernement "réalisant les idéaux de la raison". Le problème "que la nature contraint l’homme à résoudre, c’est la réalisation d’une société civile administrant le droit de façon universelle"3. La société civile des nations ne peut être construite sans un changement radical dans la constitution de chacune des sociétés particulières. Kant rejoint donc Rousseau critiquant le Jugement de la paix perpétuelle de l’abbé de Saint-Pierre. Il faut "républicaniser" les constitutions civiles des États pour pouvoir construire la société des nations (Fœdus Amphyctionum). L’insociable sociabilité des hommes les pousse vers la paix. La paix perpétuelle, conséquence d’une constitution cosmopolitique accomplie, n’est pas une "rêverie de visionnaire", mais le mouvement objectif de l’humanité : "Un jour enfin, en partie par l’établissement le plus adéquat de la constitution civile sur le plan intérieur, en partie sur le plan extérieur par une convention et une législation communes, un état de choses s’établira qui, telle une communauté civile universelle, pourra se maintenir par lui-même4."

A la lumière des événements révolutionnaires, Kant revient sur la question de la paix en 1793 dans : Sur l’adage : cela est peut-être juste en théorie mais ne vaut pas pour la pratique5. Le chapitre III se demande comment une constitution cosmopolitique pourrait établir un droit des gens fondant la paix perpétuelle. La fraternité universelle n’est pas une "idée consolante" mais la base des devoirs qui unissent tous les hommes. Un mouvement objectif pousse donc l’humanité vers la réalisation de la paix, idéal de la raison. De même que l’état de guerre initial a encouragé les hommes à constituer des sociétés civiles, les guerres entre ces sociétés doivent les conduire "même contre leur volonté, dans une constitution cosmopolitique", un état juridique "de fédération selon un droit des gens dont il a été convenu en commun"6. Face au problème de la constitution conjointe de la polis et de la cosmopolis7, Kant répond — comme une partie des révolutionnaires français — par la construction du droit des gens unissant des sociétés civiles républicaines.

Le Projet de paix perpétuelle — qui est en fait une esquisse philosophique et non un "projet" à l’image de celui de l’abbé de Saint-Pierre — reprend l’ensemble de cette réflexion. Il n’est pas anodin que sa rédaction soit contemporaine des négociations de Bâle. D’une certaine manière, la question que se pose Kant à travers celle du droit cosmopolitique est aussi celle de la régulation d’un nouvel ordre européen intégrant la République française, car la paix est envisagée à la fois comme une perspective politique et comme un impératif de la raison.

Les six "articles préliminaires" du projet constituent une attaque en règle contre la guerre de conquête, la diplomatie secrète et les armées permanentes. Ces articles sont autant d’impératifs catégoriques, réalisables à moyen terme. Viennent ensuite trois "articles définitifs" auxquels correspondent les trois "niveaux" juridiques nécessaires à la construction de la paix : droit civil, droit des gens et droit cosmopolitique. Kant donne aux hommes le devoir de réaliser la paix conformément à la raison. L’état de paix n’est pas l’absence d’hostilités, mais un état juridique qui doit être créé. Pour cela, "la constitution civile de chaque État doit être républicaine", et "il faut que le droit des gens soit fondé sur une fédération d’États libres". Le droit cosmopolitique vient compléter les deux premiers niveaux. Ce droit "considère les hommes et les États, dans leurs relations extérieures et dans leur influence réciproque comme citoyens d’un État universel de l’humanité".

Seul un ordre républicain fédéral peut adopter et garantir ces trois niveaux du droit et donc la paix perpétuelle.

Le texte de Kant est — à l’échelle de l’époque — un succès foudroyant : les deux mille exemplaires de la première édition sont épuisés très rapidement. Un deuxième tirage suit. L’année suivante, deux nouvelles éditions voient le jour, puis encore deux autres, en tout douze éditions (sans compter les traductions) se succèdent jusqu’à la mort de Kant en 1804. Le projet est un véritable événement politique, il enclenche un vaste débat en Allemagne et en France, une "guerre de plumes" selon l’expression de Jacques Droz, une polémique qui mêle la réflexion spéculative et le débat politique sur la nature de la paix à construire et sur le nouvel ordre européen issu de la Révolution8. Lucien Calvié écrit à ce propos que "de la paix de Bâle à celle de Lunéville, l’intellectualité allemande de Schiller aux premiers romantiques en passant par les Jacobins et Hölderlin, tourne sans cesse autour de la triple question de la révolution, de la guerre et de la paix"9. Dans ces années décisives paraissent ainsi les textes d’Oelsner (les Préliminaires de la paix à partir de 1795) et de Riem (Situation et intérêts politiques de l’Europe et l’Europe dans ses relations politiques et financières, 1795), de Schlegel (Essai sur le républicanisme, 1796), de Görres (La paix perpétuelle, un idéal, 1797), de Fichte (L’État commercial fermé, 1800) et de Gentz (De la paix perpétuelle, 1800) sur lequel je reviendrai plus bas10. Plus tard encore d’autres publicistes et intellectuels se prononcent pour et contre Kant : Krug, Zacharia en 1802, Friesen en 1803, Heeren en 1809, Jean-Paul (Déclaration de guerre à la guerre) et Adam Mueller (Les concepts fondamentaux de la politique) en 1809, Rühle von Lillienstern en 1813 (De la guerre), etc. Joël Lefebvre peut donc écrire à bon droit que Kant reste le point de référence obligé dans tout le débat sur la guerre et sur la paix, jusqu’en 181511.

En France, le projet est connu très rapidement. Le Moniteur en rend compte dans son numéro du 13 nivôse an IV (3 janvier 1796)12. L’article, rédigé par Louis-Ferdinand Huber13, fait l’éloge de celui qui "vient d’étayer du poids de son nom" le "républicanisme du monde entier" et donne un assez large résumé du texte. D’autres journaux comme le Magasin Encyclopédique ou le Journal d’économie publique, de morale et de politique publient des extraits du texte. Adrien Lezay, qui rend compte de l’opuscule dans ce dernier périodique, se montre parfois critique avec l’idée centrale de Kant qui veut que le républicanisme soit un frein à l’ambition guerrière : les assemblées populaires peuvent errer aussi bien que les monarques. La référence à la Convention et aux Conseils législatifs est transparente14.

Quelques jours à peine après la publication, les "Mayençais" se font les relais de la pensée de Kant en France. Reinhardt fait connaître le projet à Siéyès et propose de faire élire Kant en tant qu’étranger associé de la classe des sciences morales et politiques de l’Institut national. Charles Thérémin et son frère jouent le rôle d’intermédiaires entre les kantiens en Allemagne et en France15.

Cet intérêt pour la pensée de Kant se matérialise dans un colloque politico-philosophique organisé à Paris le 8 prairial an VI (27 mai 1798) par Destutt de Tracy, les Idéologues et Siéyès, mais c’est évidemment en Allemagne que le projet de Kant suscite le plus d’admiration et de débats.

Le milieu des universités rhénanes était largement acquis à la philosophie de Kant. Les Cisrhénans, et Görres et Rebmann en particulier, considèrent Kant comme le théoricien de la révolution allemande et comme le chantre de la républicanisation de l’Allemagne. Dans La paix Universelle. Un idéal, publié en 1797, Görres reprend l’analyse cosmopolitique kantienne mais assigne expressément à la France le devoir de réaliser la paix perpétuelle, c’est la raison pour laquelle il se prononce pour l’annexion de la rive gauche du Rhin. Il présente la philosophie kantienne de la paix comme la contribution la plus avancée de l’Allemagne à la constitution d’un ordre républicain européen16. Pour Görres, l’inverse absolu de la paix perpétuelle est le bellum internecinum proclamé par l’Angleterre contre la Révolution, car la réalisation même partielle de cette guerre d’extermination marquerait des malheurs sans fin pour toute l’humanité. Certes, la France ne peut pas réaliser d’un coup la confédération républicaine, elle ne peut pas être la "nation idéale, celle qui, dans ses rapports avec ses voisins, observerait de la manière la plus stricte les lois de la moralité sans jamais commettre, en s’en écartant, de péchés contre les nations"17, mais les États républicains en commettront de toute manière infiniment moins que les États despotiques, il importe donc de soutenir l’ordre républicain français coûte que coûte.

Friedrich Schlegel publie dans le même temps un Essai sur le républicanisme qui reprend également la perspective kantienne. L’ensemble du texte est d’ailleurs un commentaire, parfois critique, du projet de Kant. Schlegel écrit que "seul un républicanisme universel peut réaliser l’impératif politique" et lui seul constituerait un "article définitif" de la paix perpétuelle. Il appelle à mettre en pratique le "fédéralisme des États républicains" et "l’hospitalité cosmopolite des États fédérés"18. Il publie d’ailleurs l’année suivante un éloge de Georg Forster, le rhénan le plus engagé en faveur de la France.

Johann Gottlieb Fichte s’engage lui aussi résolument dans le débat sur la paix. Dès la parution du projet, il en rédige un compte-rendu dans le Philosophischen Journal. Comme Kant ou Schlegel, il insiste sur le fait que la perspective de la paix perpétuelle est politique et non utopique, elle est "une fin de la nature et une exigence de la raison". Fichte voit dans l’existence de la "florissante république nord-américaine" et de la "grande république des États européens" des sujets de penser que cette perspective prendra la pas sur le désordre des constitutions despotiques. L’ordre ne peut donc être que républicain comme l’affirme Kant.

Il revient plus largement sur ce débat dans ses Fondements du droit naturel. Comme Kant, il pose les bases d’un droit des gens et d’un droit cosmopolitique distincts (Völker und Weltbürgerrecht), compris comme, d’une part, le droit entre les États, et d’autre part, comme le droit des individus en tant que membres du genre humain. Pour que les droits des hommes soient réellement garantis universellement, il faudrait un État unique, ce qui est impossible, notamment compte tenu des obstacles naturels et historiques entre les peuples. Comme Kant, Fichte rejette donc le super-État de Cloots. Les États sont nécessairement multiples, mais dans leurs rapports réciproques, ils peuvent et doivent garantir les droits de leurs citoyens. Pour cela, il est nécessaire de construire une régulation, une législation commune, un contrat explicite. Contre la souveraineté monarchique qui considère les sujets comme des extensions de la propriété personnelle, Fichte se prononce au contraire pour faire des citoyens des sujets du droit interétatique en affirmant que "toute relation entre les États se fonde sur la relation juridique entre leurs citoyens19".

Les États se garantissent mutuellement la propriété de leurs citoyens. Pour cela, il est nécessaire de fixer les limites des possessions réciproques : "la première condition de la relation légale entre les États est donc la délimitation des frontières20". On retrouve encore la relation que j’avais déjà évoqué dans ma thèse entre tracé des nouvelles limites de la République et la création de l’ordre interétatique juridique et pacifique. Cette délimitation ne concerne pas seulement l’ordre territorial, mais plus généralement toute propriété des citoyens ("par exemple les droits de pêche, de chasse, de navigation, etc."21) Une fois délimités, les États font des contrats, signent des traités et sont représentés les uns chez les autres par des diplomates, ce qui crée de nouvelles obligations de droit. La paix est alors possible quand un droit international, séparé de la constitution républicaine de chaque peuple mais commun à tous, est proclamé. Pour cela une Union des Peuples (Völkerbund) doit s’organiser et s’engager à réprimer tout État qui remette en cause l’indépendance de tous les autres ou qui viole un traité. L’Union doit évidemment pour cela être dotée d’une armée fédérale propre. L’élargissement de la fédération doit englober la terre entière et permettre ainsi la paix perpétuelle, seule forme de relations entre les États conforme au droit et à la raison22. L’universalité de la communauté juridique des hommes trouve sa forme parfaite dans la confédération de tous les États républicains.

Le droit commun à tous les hommes est antérieur à tous les contrats entre les États, c’est le droit originaire, "le droit de présupposer pour tous les hommes qu’ils peuvent entrer avec lui par des contrats dans une relation juridique. Cela seul constitue le véritable droit de l’homme, qui revient à l’homme en tant qu’homme : la possibilité d’acquérir des droits23." Ce droit originaire forme la base du droit cosmopolitique qui autorise tout citoyen d’un État à circuler librement et à entrer dans des relations juridiques avec les citoyens de tous les États. Le droit cosmopolitique complète donc, comme chez Kant, le droit inter-national à proprement parler, il est le droit d’hospitalité que possèdent les hommes en tant qu’hommes.

Dans sa Doctrine du droit parue en décembre 1796, Kant lui-même précise et résume sa position : "cette idée de la raison d’une communauté pacifique complète, sinon encore amicale de tous les peuples sur la terre qui peuvent nouer entre eux des rapports effectifs, n’est pas un principe philanthropique (éthique), mais un principe juridique24." Travailler à la paix perpétuelle est un devoir de la raison, un impératif. La conclusion de la Doctrine du Droit le réaffirme fermement : "… la raison moralement pratique énonce en nous son veto irrévocable : il ne doit y avoir de guerre, ni entre toi et moi dans l’état de nature ni entre nous en tant qu’États La question n’est pas de savoir si la paix perpétuelle est quelque chose de réel ou de chimérique… mais nous devons agir comme si la chose existait, avoir pour projet sa fondation et la constitution (peut-être le républicanisme de tous les États ensemble et en particulier) qui semble la plus capable d’y mener… Et quand bien même la réalisation de cette fin, mettre un terme à la guerre, demeurerait un vœu pieux, nous ne nous tromperons certainement pas en agissant inlassablement selon cette maxime, car elle est un devoir… On peut donc dire que cette fondation d’une paix universelle et perpétuelle ne constitue pas simplement une partie, mais la fin entière, ultime, de la doctrine du droit dans les limites de la simple raison25."

En tant qu’Idée, la paix perpétuelle ne peut pas être une forme de régulation internationale, car une Idée est "irréalisable", en revanche la volonté permanente d’œuvrer à la construction de la paix par le droit est un principe moral et juridique de régulation de l’ordre international : "les principes politiques qui tendent à ce but étant ce qui concourt à une approche continue de ce but ne sont pas une Idée irréalisable ; mais tout comme celle-ci est une tâche fondée sur le devoir ; par conséquent aussi sur les droits des hommes et des États, ces principes sont assurément réalisables26."

Ces principes, affirmés par Kant, et repris par ses héritiers, ne sont pas purement spéculatifs. Domenico Losurdo a montré que chacun des chapitres du texte de Kant était parsemé de références plus ou moins implicites à la Révolution française et qu’en défendant la fondation de la paix par le droit, Kant considérait qu’une victoire de la France serait, du point de vue cosmopolitique, une victoire de l’humanité et de la paix27. Dans le débat sur l’ordre européen, Kant prend donc résolument position en faveur de la France et excuse même la politique agressive du Directoire en Belgique, en Hollande ou en Suisse. Les réquisitions et les contributions levées sur la République helvétique sont justifiées, car c’est à la République française que les Suisses doivent leur liberté et ils peuvent bien payer leurs libérateurs28. Kant absout la Révolution française de "la violence extérieure qu’elle fait subir à l’Europe"29, car sa condamnation de la guerre vise celle des contre-révolutionnaires et non celle de la France. Il justifie par exemple l’idée d’expédition française au Portugal pour obliger l’Angleterre à la paix tandis qu’il condamne clairement la bellum internecinum de Pitt et l’espionnage anglais en France30.

Kant approuve la politique extérieure du Directoire qui étend le camp républicain et qui réalise le premier stade indispensable à la paix perpétuelle. Malgré les exactions en Allemagne et ailleurs, malgré les dénis de la souveraineté des peuples, cette politique extérieure reste globalement juste du point de vue de la cause de la liberté31 : "les voies empruntées par la nature ne cessent de nous mener vers la réalisation de son sage dessein, et si aujourd’hui il y a des malheureux par milliers, il y aura un jour des millions d’heureux" quand la paix perpétuelle sera réalisée32. La République, "en obéissant au commandement du droit, confirme pratiquement — pour ce qui est de la responsabilité des hommes — l’art providentiel qui, selon la Philosophie de l’histoire, fait naître la paix de la guerre33." La paix n’a de valeur morale "que comme l’effet d’une politique dont la norme absolue est le droit extériorisant la liberté." Les Républiques-sœurs, malgré la politique dominatrice de la Grande Nation, sont donc justifiées par le fait qu’elles vont dans le sens de la constitution cosmopolitique européenne.

La plupart des kantiens sont sur la même ligne, on l’a vu avec Görres. L’attentat de Rastatt du 28 avril 1799 (9 floréal an VII) renforce encore leur conviction que le camp de la France est bien celui du droit et de l’humanité. L’aspect inexpiable de la "croisade" qu’est la guerre de la deuxième coalition amène Fichte à écrire à son ami Jung : "Il est évident que seule la République française peut être considérée par l’homme juste comme sa patrie ; c’est à sa victoire que sont liés, non seulement les espoirs les plus chers de l’humanité, mais encore son existence même. La guerre actuelle est une guerre de principes. Seule la supériorité la plus incontestable peut apporter à la République un repos assuré34." Pour Kant et ses disciples, la guerre de la deuxième coalition était une guerre d’une nature nouvelle qui "mettait en cause un ordre politique qu’il fallait défendre ou détruire", un ordre républicain, "dont le maintien et l’extension étaient la garantie principale de l’instauration de la paix perpétuelle35".

Pour les kantiens, la seule régulation juridique possible de l’ordre européen est une normalisation au sein d’un ordre républicain. Une régulation "inter-système" — c’est-à-dire entre des puissances monarchiques qui méconnaissent la souveraineté de la nation et qui sont structurellement fondées sur la guerre et un camp républicain potentiellement porteur d’un droit des peuples et d’un droit cosmopolitique — est juridiquement bancale. Comme Buonarroti ou les néo-jacobins, Fichte pense en 1799 que la coexistence est nécessairement précaire, précisément parce qu’une régulation pacifique entre monarchies et républiques est impossible : "Aucun état libre ne peut raisonnablement supporter à côté de lui des formes de gouvernement sous lesquelles les chefs ont un avantage s’ils soumettent les peuples voisins, et qui donc par leur simple existence menacent incessamment la sécurité de leurs voisins ; la préoccupation pour leur propre sécurité contraint tous les peuples libres à transformer également tous les autres peuples voisins en États libres  ; et ainsi, lorsqu’auront surgi seulement quelques États vraiment libres, nécessairement le règne de la culture et de la liberté, et avec celui de la paix universelle, finira par embrasser peu à peu l’univers entier36."

Du désenchantement à la guerre nécessaire

Le débat allemand connaît une brutale inflexion entre 1798 et 180037. L’année 1798 marque l’apogée de la problématique kantienne, on observe ensuite un "effritement" de cette approche, soumise à des critiques de plus en plus nombreuses parmi les intellectuels allemands, pour certains effrayés par la reprise de la guerre et par la politique du Directoire. La prise du pouvoir par Bonaparte et l’instauration du Consulat est, là aussi, un tournant fondamental. Comme en Angleterre ou aux États-Unis, 1800 est marqué par la montée du pessimisme : Görres rejette l’idée de la mission émancipatrice de la France, et Schiller "évoque le globe terrestre livré aux tendances belliqueuses et aux appétits impérialistes : il n’y a plus de place dans le monde pour la liberté, le bonheur et la paix, et le seul refuge est dans l’Art et la littérature"38. En juin 1801, quatre mois après la signature de Lunéville, le même Schiller publie son poème "Le siècle nouveau". On est loin de l’optimisme kantien : le nouveau siècle risque d’être aussi guerrier que celui qui s’achève. La paix de Lunéville n’ouvre pas une ère pacifique, car la lutte entre l’Anglais et le Français reproduit tous les dangers du siècle passé.

On assiste entre 1799 et 1804 au basculement d’une partie des intellectuels allemands du cosmopolitisme à "l’État monarchique national" annoncé par la publication en 1799 de La chrétienté et l’Europe de Novalis. A travers sa vision idéalisée d’un Moyen-Age caractérisé par l’unité chrétienne et la hiérarchie sociale, c’est en fait "une profonde réorganisation de l’Europe sur des bases à la fois antirévolutionnaires et antifrançaises qui est proposée"39.

L’histoire de l’ordre européen est décrite par Novalis comme celle d’une chute depuis l’harmonie médiévale des États et des princes acceptant tous l’autorité spirituelle et politique du Pape. Principaux accusés : la Réforme et le rationalisme des Lumières, donnant naissance in fine à l’événement destructeur par essence de l’ordre et de l’équilibre de l’Europe, la Révolution française. Le nouvel ordre qu’il s’agit de reconstruire sera spirituel, holistique, national et chrétien. Il tournera le dos aux principes desséchants de la Raison et retrouvera les idéaux élevés de la pure philosophie allemande. Le projet de Novalis se conçoit comme une tentative de dépassement du conflit entre révolution et contre-révolution, mais c’est un projet fondamentalement contre-révolutionnaire puisqu’il ne propose finalement qu’un "retour des peuples et des individus auprès de leurs anciens autels"40. Même si le texte n’a à son époque qu’une audience restreinte, il marque bien un tournant dans la manière de penser l’ordre européen post-révolutionnaire.

Schlegel atténue considérablement l’élément démocratique dans sa théorie du républicanisme et amorce une évolution qui le voit élaborer une théorie du contrepoids nécessaire à l’influence matérialiste de la Révolution française puis dériver vers l’exaltation de la nation allemande, la gallophobie, et l’apologie du Saint-Empire médiéval. La revue qu’il fonde en 1803 s’appelle Europa et entend fonder un ordre spirituel et national.

Cette conversion n’est pas propre à Novalis et Schlegel, elle touche à des degrés divers la plupart des "romantiques", qui rejettent non la Révolution dans sa globalité, mais "sa phase directoriale, qu’ils perçoivent, un peu à la manière de Görres et des Cisrhénans au même moment, comme cynique, immorale, voire dégénérée41." L’idée que les Allemands doivent faire l’économie de la Révolution à la française en promouvant une révolution philosophique, esthétique et nationale se répand parmi les intellectuels.

Sans renier la perspective kantienne, Fichte pose alors le problème des relations interétatiques d’une manière nouvelle dans l’État commercial fermé (1800). L’ouvrage, dédicacé au ministre prussien Struensee, se présente classiquement comme un exercice purement spéculatif. On peut en douter tant les références de Fichte à la politique du moment sont transparentes. L’État commercial fermé a souvent été considéré comme une œuvre complexe et les interprétations en sont très divergentes : utopie sociale archaïque pour certains, anticipation hégelienne ou socialiste pour d’autres, annonce de l’État autarcique pour les contempteurs du totalitarisme, il faut plutôt à mon avis le replacer dans le contexte du débat sur l’ordre européen et sur la "diplomatie commerciale" comme forme nouvelle de régulation internationale pour comprendre son apport philosophique et politique à la question de l’organisation de la société internationale.

Fichte tente en fait de concevoir un ordre international pacifique original fondé sur le refus des colonies et sur l’isolement commercial volontaire des États. L’ouvrage part d’une théorie de l’État conforme au droit et à la Raison, puis décrit les conditions réelles des relations, notamment commerciales, entre les États et enfin propose des voies pour passer de l’État réel à l’État de raison. Il ne s’agit donc pas d’une "utopie" au sens classique du terme, mais plutôt d’une analyse de l’inadéquation de l’État historique réel au modèle absolu de l’État selon la Raison. Le passage de l’État historique à l’État de raison du point de vue économique réside dans la "fermeture" de l’État commercial. Fermeture territoriale (les frontières naturelles) et commerciale (l’État acquiert le monopole du commerce extérieur). La fermeture est la condition de l’égalité sociale, de l’accès au nécessaire, du droit général au travail et de la disparition progressive de l’armée et de la répression intérieure. La perspective de la fermeture n’est pas celle de l’isolement culturel ou du nationalisme xénophobe, mais celle de la rationalisation de l’espace économique international pour le bien de tous, car un État qui renonce au profit du commerce extérieur ne cherche pas la guerre. L’opération fondamentale de la fermeture est, sans surprise, l’établissement des frontières naturelles. Ce qui est en revanche tout à fait révélateur du tournant de 1800 est que Fichte ne pose plus la question de la fédération des États commerciaux fermés. Le passage de l’État historique à l’État de raison crée, certes, la paix par la disparition des raisons économiques et territoriales de faire la guerre, mais s’il crée du droit à l’intérieur des frontières naturelles, il n’en construit pas entre les sociétés. La perspective de la paix ne disparaît pas mais elle ne passe plus par une cosmopolitique comme chez Kant, ou chez Fichte lui-même quelques années auparavant. Fichte semble même admettre l’inexorabilité de la guerre avec un pessimisme qui n’était pas le sien en 1796 : "De tous temps, le privilège des philosophes a été de soupirer sur les guerres. L’auteur ne les aime pas plus que tout autre ; mais il croit percevoir leur inéluctabilité dans l’état actuel des choses, et il tient pour inopportun de se plaindre de l’inéluctable42." Mais il ajoute aussitôt : "Si la guerre doit être abolie, il faut qu’on abolisse le motif des guerres. Il faut que chaque État obtienne ce qu’il entend obtenir par la guerre, et la seule chose qu’il puisse raisonnablement espérer obtenir, c’est ses frontières naturelles. Dès lors, il n’aura plus rien à revendiquer de la part des autres États ; car il possède ce qu’il revendiquait. Aucun autre ne lui cherchera noise ; car il n’a pas dépassé ses frontières naturelles…43" En 1800, l’évolution philosophique de Fichte n’a pas encore abouti au rejet de la problématique kantienne, mais, signe du tournant intellectuel, elle est singulièrement transformée dans l’État commercial fermé.

Friedrich von Gentz n’est pas, comme Görres, Schlegel ou Rebmann, un "déçu" de la Révolution française, il en était un ennemi déclaré depuis qu’il avait été converti à la contre-révolution par la lecture de Burke, Mallet du Pan et Francis d’Ivernois. Le moment semble favorable à la contre-attaque intellectuelle contre les kantiens, il s’y engage en résumant l’ensemble du débat depuis la publication du projet de Kant44. Ici comme en d’autres domaines, l’année 1800 marque une volonté de clore une discussion, de rompre avec le paradigme de la paix perpétuelle, de "déconstruire" les Lumières. De la paix perpétuelle paraît en décembre dans l’Historisches Journal créé par Gentz grâce aux subsides autrichiens45. J’ai déjà présenté ce texte dans notre séminaire il y a deux ans et j’en ai publié une analyse dans La Plume et le Sabre les Mélanges pour Jean-Paul Bertaud, je n’y reviens donc pas en détail. Je rappelle seulement que Gentz entend montrer que la paix perpétuelle, ne peut être autre chose qu’un idéal de la raison, mais certainement pas une perspective politique.

Pour Gentz, la paix perpétuelle, "ou plutôt la constitution du droit des gens entre les États, qu’on a coutume de considérer comme la base de la paix perpétuelle", n’est pas "une chimère issue d’une imagination poétisante et rêveuse", elle est "une exigence de la raison"46. Mais elle doit "demeurer un idéal éternel de la raison" et "jamais plus que cela"47. Pourtant, cette contradiction ne remet pas en cause, selon lui, "les bases fondamentales de l’ordre moral mondial". Alors que Kant définit la paix comme une perspective pratique qui résulte d’un mouvement objectif de l’humanité vers une "constitution cosmopolitique parfaite", Gentz n’y voit qu’un idéal de la raison pure. Ainsi et paradoxalement, c’est Gentz — défenseur de l’ordre ancien contre les "chimères" de la paix perpétuelle kantienne — qui est authentiquement "idéaliste" au sens philosophique dans la mesure où les idéaux de la Raison sont remisés hors de la sphère politique. C’est justement parce qu’il n’est pas qu’un idéal de la Raison, une "pure idée" que le projet de Kant est rejeté par Gentz, les contre-révolutionnaires et certains modérés en France même.

Conclusion

La référence au droit naturel disparaît dans la déclaration des droits et des devoirs placée en tête de la constitution de l’an III. Ce tournant est une étape dans un processus de prise de distance d’une partie des républicains avec le libéralisme de droit naturel, jugé comme trop dangereux et potentiellement destructeur de la république des propriétaires et des "honnêtes gens" qu’ils entendent construire.

Parallèlement, on assiste à un effacement de l’idée cosmopolitique au profit d’une idéologie de la puissance nationale républicaine. L’objectif de la société civile des nations régie par le droit naturel, et au-delà la perspective de la paix perpétuelle, sont renvoyés aux calendes grecques, tandis que la République française entend construire une puissance territoriale fondatrice d’un ordre international nouveau. Si des éléments de ce tournant sont déjà présents avant 1795, ce n’est que sous le Directoire que cette tendance s’affirme pleinement. Cette tendance s’accompagne d’un scepticisme accru quant à la perspective d’une Europe pacifiée et au rôle du droit naturel des gens comme régulateur des relations entre les nations. L’acte de déclaration du droit des gens est de plus en plus disqualifié comme fondateur d’une société civile des nations, bien qu’il soit encore revendiqué par les républicains "avancés" comme Grégoire, Barère, Paine, Barlow et même Eschassériaux. Pour les directorialistes et pour Bonaparte, il ne s’agit surtout pas de proclamer des principes qui isoleraient la France par rapport aux autres puissances, mais d’œuvrer à la construction d’un droit public négocié, rénové et subordonné aux intérêts maritimes de la République. Réintégrer l’ordre des puissances implique la rupture théorique avec le droit naturel des gens.

Dans le même temps, la perspective de la proclamation d’un nouveau droit des gens et celle de la paix perpétuelle sont renvoyées au rang des "abstractions chimériques" et des fantaisies "idéalistes" des Lumières Un glissement positiviste se manifeste parmi les théoriciens du droit public. Si les démocrates et les kantiens restent fidèles à l’Idéal de la Raison d’une Europe pacifique, parce que républicanisée, les contre-révolutionnaires comme Gentz théorisent la guerre perpétuelle et même son caractère "civilisateur".

1 Ce texte reprend certains éléments de mon mémoire pour l'Habilitation à diriger des recherches, à paraître sous une forme abrégée aux Éditions Kimé en 2006 sous le titre Repenser l'ordre européen 1795-1802. De la société des rois aux droits des nations.

2 M. Belissa, Fraternité Universelle et Intérêt National, 1713-1795, op. cit.,

3 E. Kant, Idée d’une histoire universelle du point de vue cosmopolitique, VIII, 22, dans E. Kant, La Philosophie de l’Histoire, S. Piobetta (ed.), Paris, Denöel, 1947, p. 33.

4 Idem, VIII ; 25 ; p. 37.

5 E. Kant, Sur l’adage : cela est peut-être juste en théorie mais ne vaut pas pour la pratique dans Œuvres philosophiques, tome III, Paris, Pléiade, 1986.

6 Idem, VIII, 311-312, p. 297.

7 F. Gauthier, Triomphe et mort du droit naturel en Révolution, Paris, PUF, 1992, p. 153.

8 Sur ce débat, voir notamment A. Dietze (éd.), Ewiger Friede ? Dokumente einer deutschen Diskussion um 1800, Munich, 1989. Voir également K. von Raumer, Ewiger Friede, Friedensrufe und Friedenspläne seit der Renaissance, Munich, 1953.

9 J. Droz, L’Allemagne et la Révolution française, Paris, PUF, 1949, p. 88. L. Calvié "Le début du siècle nouveau : guerre, paix révolution et Europe dans quelques textes allemands de 1795 à 1801" dans Le cheminement de l’idée européenne dans les idéologies de la paix et de la guerre, Actes du colloque de Besançon 1990 publiés par M. Gilli, Université de Franche-Comté, 1991, p. 137. Gilli M. "La république démocratique européenne, rêve des révolutionnaires allemands" dans XVIIIe siècle 1993, p. 41-53.

10 J. Droz, L’Allemagne et la Révolution française, op. cit., p. 76, 96.

11 J. Lefebvre (ed.), Pour une paix perpétuelle avec un choix de textes sur le paix et la guerre d’Érasme à Freud, Lyon, PUL, 1985, p. 10.

12 Moniteur, tome XXVII n° 103, du 13 nivôse an IV (3 janvier 1796), p. 98-100.

13 Louis Ferdinand Huber est né à Paris en 1764, journaliste notamment dans Klio, homme de lettres et traducteur. Il dirige l’Allgemeine Zeitung de Stuttgart. Voir J. Ferrari et S. Goyard-Fabre (dir.), L’Année 1796. Sur la paix perpétuelle. De Leibniz aux héritiers de Kant, Paris, Vrin, 1998, p. 139.

14 Idem, p. 161.

15 F. Azouvi F. et D. Bourel, De Königsberg à Paris. La réception de Kant en France (1788-1804), Paris Vrin, 1991, p. 79.

16 L. Calvié, Le renard et les raisins, la Révolution et les intellectuels allemands 1789-1845, Paris, 1989, p. 43.

17 J. Gœrres, "La paix perpétuelle un idéal", dans J. Lefebvre (ed.), Pour une paix perpétuelle…, op. cit., p. 140.

18 F. Schlegel, "Essai sur le concept de républicanisme" dans Idem, p. 125.

19 J. G. Fichte, Fondements du droit naturel, trad. Paris, PUF, 1984, 2e annexe, § 4, p. 381.

20 Idem, § 8, p. 384.

21 Ibid.

22 Ibid., § 20, p. 392.

23 Ibid., § 22, p. 394.

24 E. Kant, Doctrine du droit, § 62, dans Œuvres, op. cit., tome 3, p. 626.

25 E. Kant, Métaphysique des Mœurs, doctrine du droit dans Idem, p. 628.

26 Idem, § 61 dans Ibid., p. 625.

27 D. Losurdo, Autocensure et compromis dans la pensée de Kant, op. cit., p. 105.

28 Idem, p. 90.

29 B. Bourgeois, "Kant et la Révolution française (la guerre)" dans B. Bougeois et J. D’Hondt (dirs.), La Philosophie et la Révolution française, Actes du colloque de la Société française de Philosophie, 31 mai - 2 juin 1989, Paris, Vrin, 1993, p. 284

30 E. Kant, Métaphysique des Mœurs, doctrine du droit § 57 dans Œuvres, op. cit., tome 3, p. 621.

31 D. Losurdo, Autocensure et compromis dans la pensée de Kant, op. cit., p. 105.

32 Idem, p. 106.

33 B. Bourgeois, Idem, p. 281.

34 J. Droz, L’Allemagne et la Révolution française…, op. cit., p. 279.

35 D. Losurdo, Autocensure et compromis dans la pensée de Kant, op. cit., p. 177.

36 Cité par D. Losurdo, "La Révolution, la nation et la paix" dans, Procès. Cahier d’analyse politique et juridique, 1990, n° 19, p. 161.

37 Introduction de Joël Lefebvre à Pour une paix perpétuelle…, op. cit., p. 40.

38 L. Calvié "Le début du siècle nouveau : guerre, paix révolution et Europe dans quelques textes allemands de 1795 à 1801", op. cit., p. 137.

39 Idem.

40 Ibid.

41 L. Calvié, Le renard et les raisins, op. cit., p. 52.

42 J. G. Fichte, L’État commercial fermé, Paris, L’Age d’Homme, 1980, p. 151.

43 Idem.

44 P. R. Sweet, Friedrich von Gentz, defender of the old order, Madison, Wisconsin, 1941, J. Droz, L’Allemagne et la Révolution française, op. cit., J. Baxa, Friedrich von Gentz, Vienne, 1965, H. Lamm, "Friedrich Gentz et la paix" dans Revue d’Histoire diplomatique, 1971, p. 127-141, M. P. Paterno, Friedrich Gentz e la Rivoluzione francese, Rome 1993. Pour une bibliographie complète, voir F. von Gentz, De la paix perpétuelle, traduction et présentation de M. B. Aoun, op. cit., p. 93-101.

45 Je reprends ici en les modifiant quelques paragraphes d’une contribution au volume d’hommages à Jean – Paul Bertaud, La Plume et le Sabre, Paris, Publications de la Sorbonne, 2002.

46 F. von Gentz, De la paix perpétuelle, op. cit., p. 44.

47 Idem, p. 47.



Marc Bélissa, "Kant idéaliste ? Le débat sur la paix perpétuelle 1795-1801", Révolution Française.net, Etudes, mis en ligne le 21 novembre 2005, http://revolution-francaise.net/2005/11/21/7-kant-idealiste-le-debat-sur-la-paix-perpetuelle-1795-1801